Service public et publicité du service...

Publié le par Steve Bonet

Suite à l'annonce par Nicolas Sarkozy de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, le débat sur la réclame refait surface, ainsi que les questionnements sur le rôle du service public et sur la place de la culture sur les ondes. Compte-tenu de la largeur de ces champs, un article saurait suffire à couvrir l'intégralité des problématiques inhérentes à ce projet . Toutefois, cela ne nous empêche pas d'établir un court inventaire des tenants et des aboutissants engendrés par ce qui, avant d'être une proposition de loi, reste avant tout une annonce.

A première vue, la publicité sur le service public semble être en redondance avec le paiement de la redevance audiovisuelle, à moins que France Télévisions ne souffre de schizophrénie . On ne peut peut nier, ici, que les chaînes de service public jonglent entre course à l'audimat et mission de service public, soient entre programmes résolument tournés vers le divertissement et la recherche du plus grand nombre, et de l'autre côté  des programmes  "de qualité", misant moins sur leurs recettes publicitaires que sur leur intérêt culturel.

Cela ouvre la voie à une problématique encore plus large, celle de la place de la culture dans notre société. Aujourd'hui, parler de "produit culturel" ne choque plus personne, parler de rentabilité de la culture non plus... Comme écrit auparavant, l'expertise par un cabinet de conseil des critères nécessaires à l'avaluation des ministres aboutira(it) à la notation de la Ministre de la  Culture, Christine Albanel, à partir de données telles que les ventes du cinéma français à l'étranger. Pour ne pas accaparer l'espace de cet article, une fiche thématique sur l'art et la culture de masse est disponible sur ce blog. Il s'agit là néanmoins d'un élément central, non pas de cette proposition mais de la vision globale de la culture dans notre société.

Force est de reconnaître que cette volonté de supprimer la publicité se fait au nom de la qualité des programmes, quitte à ce que ce soit au détriment de la quantité de téléspectateurs. Dont acte. On ne peut, tout de même, s'empêcher de penser au formidable gain d'audience que cela représente pour des chaînes plus mercantiles comme TF1 et M6. Si France Télévisions choisit une évolution radicalement "culturelle", ou pour le moins pédagogique, et rejoint donc ici un modèle de type BBC, il est possible que les publics se tournent davantage vers les chaînes qui auront opté pour le divertissement plutôt que pour la culture. On connaît tous le succès d'Arte en France, chaîne préférée de ceux qui ne regardent pas la télévision : le risque est donc ici d'isoler la culture sur les ondes. Ainsi, ce qui semble être une volonté de qualité du service public peut, si la réforme est trop brutale, se transformer en pain béni pour les chaînes privées, qui se chargeront d'elles-mêmes de compenser ces vélléités culturelles des chaînes publiques.  Et, par souci de visibilité, il est possible que des chaînes publiques viennent à disparaître.

Une autre question doit être absolument posée : qu'est-ce que la publicité ? Le terme, très large, est souvent réduit à ce que l'on traduit en anglais par commercial et qui était connu auparavant sous le nom de réclame. La publicité, à travers ses deux visages advertisement et commercial montre bien la nuance existante entre publicité en tant qu'acte consistant à rendre une chose publique, et réclame, qui devient une incitation à la consommation, à l'achat. La nuance est importante : en effet, la première se couple à une mission de service public via la publicité institutionnelle et associative. En d'autres termes, supprimer la réclame permet de ne plus voir de spots pour des compagnies d'assurances, des lessives ; supprimer la publicité dans son ensemble revient à voir disparaître les messages de prévention routière, de prévention médicale, les incitations aux dons pour la luttre contre le cancer, etc. Il faudra réfléchir à cette différenciation.

Enfin, la publicité permettait une certaine autonomie du service public ; la dépendance qu'entraînerait la subordination aux financements publics ne doit pas se répercuter en pression, ou en simple complexe, vis-à-vis du généreux donateur. Dans la logique d'un Gouvernement qui se considère comme une entreprise, il serait  fâcheux de voir une pression s'exercer à la manière d'une ligne éditoriale que l'on voudrait déformer à coups d'actionnariat.

Publié dans Actualité commentée

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